Tsubasa Ayame dormait toujours. Hier soir, il s’était couché très tard parce qu’il avait absolument tenu à terminer un exposé de français. Il avait passé deux heures sur une traduction, le nez plongé dans la dictionnaire et dans un manuel de grammaire - c’était difficile, quelle idée les français avaient eu d’inventer autant de règles ? La formation des phrases était radicalement différente de celle en japonais ; le verbe n’était pas à la fin, et surtout il pouvait se décliner en on ne savait combien de temps. Apprendre les terminaisons était digne d’un vrai casse tête chinois ! Mais Ayame mettait un point d’honneur à tout réussir ; il potassait sans relâche toutes les matières, apprenait les cours par coeur, le français ne faisait pas exception. Mais pour cet exposé, il y avait beaucoup totalement inconnus et le temps de les chercher dans le dictionnaire... Les minutes, les heures passaient vite. Aussi, il s’était couché alors qu’il était une heure du matin passée.
Le jeune homme s’était disputé avec son père lors du repas. C’était quelque chose qui n’arrivait jamais, mais son géniteur ne supportait plus la façon dont il se comportait face à sa maladie. Ayame souffrait de boulimie ; après des années de maladie, il était maintenant maigre, et de la forme morbide. Actuellement, il pesait moins de quarante et un kilos, s’il descendait en dessous de quarante il serait hospitalisé directement, qu’il le veuille ou non. Il espérait ne pas en arriver une nouvelle fois à cette extrémité, il en avait assez, mais se doutait que c’était mal parti. Il ne faisait rien pour arranger les choses.

Le lycéen partageait sa chambre avec cinq chats, dont deux appartenaient à toute la famille ; les trois autres étaient les siens. Les chats, c’était une grande passion, il les chouchoutait, les gâtait - mais il surveillait de très près leur santé. Ils investissaient la chambre. Aujourd’hui, il y en avait un sur le clavier de l’ordinateur, un sur une chaise, un dans la bibliothèque (sur des livres), un dans son placard à vêtements et le dernier au bout de son lit. Il était presque huit heures... Et les félins commençaient à avoir faim. Ils vinrent tous sur le lit, lui marchant dessus en ronronnant et miaulant. Ayame se retourna dans son sommeil en fronçant les sourcils. Mais les chats n’étaient pas décidés à laisser tomber la partie, et ils continuèrent, cette fois c’est sur son visage qu’ils posèrent des pattes. Le jeune homme ouvrit les yeux. Il soupira et les caressa un à un. il était épuisé et rêvait de dormir. Il faisait un beau rêve avec Kenichi dedans ; ce dernier lui avait donné rendez vous dans quelques jours, et Ayame était impatient. Mais aujourd’hui, c’était avec quelqu’un d’autre qu’il avait rendez-vous. Quelqu’un qu’il appréciait beaucoup, et qui le lui rendait bien. Il s’appelait Oh Cheonsa (il avait mis quelques temps avant de retenir son nom), était dans le même lycée que lui, quoique âgé d’un an de plus. Cheonsa semblait décidé à le faire sortir de sa carapace nommée « timidité », à le rendre plus à l’aise avec les autres.

Et surtout, Cheonsa était le seul à savoir pour sa maladie. Il y a quelques temps, Ayame avait eu un malaise, et il lui était venu en secours. Heureusement, il avait été le seul témoin de la scène, le boulimique en avait été soulagé. Sinon, il n’imaginait pas sa nouvelle réputation au lycée... Déjà qu’elle était assez médiocre. Leur relation avait évolué, et Ayame faisait aussi quelque pour Cheonsa. Ce dernier avait quelques soucis en cours. Alors Ayame lui apportait son aide du mieux qu’il pouvait - après tout il était une classe en dessous de lui. À l’heure actuelle, Cheonsa était ce qui se rapprochait le plus d’un ami. Et il en était ravi, il n’en avait jamais vraiment eu avant. Le fait de construire une amitié était tout nouveau, et cette perspective le mettait de bonne humeur.

Le jeune homme se leva difficilement - mon dieu qu’il avait sommeil - et commença par nourrir ses chats qui semblaient ne pas avoir mangé depuis trois jours. Il se gratta la nuque, l’air indécis. Les matins étaient parfois difficiles, hein... Il fila dans la salle de bain, d’où sortait sa mère, impeccable comme d’habitude. Elle lui avait transmis ce besoin maniaque de propreté et d’élégance, de se montrer sous son meilleur jour même si l’on était au trente sixième en dessous. Ce qui avait été très utile à Ayame, mais parfois aussi contre son gré, lorsqu’il cachait sa boulimie par exemple. Le jeune homme salua sa mère qui partait déjà vers la cuisine terminer de préparer le petit déjeuner. Il entendait les gazouillis de sa petite soeur de quatre ans, qui devait regarder la télévision. Son père devait être dans la chambre parentale en train de s’habiller. Aujourd’hui, malgré l’affection qu’il lui portait... Il n’avait pas très envie de le croiser. Le jeune homme s’engouffra dans la salle de bain où il prit une douche, s’appliqua consciencieusement de la crème sur le visage et se coiffa. Il retourna dans sa chambre pour s’habiller ; il opta un pour un pantalon noir, un t-shirt gris clair et un pull à capuche rayé noir et blanc, très classe. Il compléta le tout par une écharpe également grise. Il mit des chaussettes sombres et sans plus attendre se dirigea vers la cuisine, les mains dans les poches.
Sa mère s’affairait devant une poêle et Ayame s’assit en face de sa soeur, occupée à manger son riz grain par grain (et ça ne rigolait pas !). Comme d’habitude, il avala son petit déjeuner mécaniquement, prenant à peine le temps de mâcher et préférant se contenter de remplir son estomac le plus vite possible. Il but son thé vert d’un trait sous les yeux soucieux de sa mère, puis jeta un coup d’oeil à la télévision, qui indiquait le temps pour aujourd’hui. Nuageux, gris et sans soleil, mais pas de pluie, pas de vent... Un temps comme il l’aimait.

Il était près de dix heures et demi. Ayame, devant son ordinateur, leva la tête en entendant la sonnerie. Ah, était-ce Cheonsa ? Il fila et appuya sur le bouton de l’interphone, et entendit la voix amusée du jeune homme en question : « Monsieur Tsubasa est attendu en bas ~. » Ayame sourit et lui répondit : « J’arrive, attends-moi. »
ll prit son sac, sa veste beige et ses chaussures. Il passa dans la cuisine quelques secondes pour dire au revoir à sa famille, puis disparut en courant derrière le battant. Il descendit les escaliers assez lentement, il ne pouvait pas brusquer - il n’en avait pas la force et s’il tombait, il ne serait pas plus avancé. En sortant de l’immeuble - assez chic - le boulimique tomba nez à nez avec Cheonsa. Sans plus attendre, il le questionna :
« Alors, c’était quoi ton... ton idée ? Tu voulais m’emmener quelque part c’est ça ? Allons... Allons-y dans ce cas-là. » Ayame ne pouvait s’empêcher de bégayer.
Il se demandait bien où son camarade voulait l’emmener. La journée promettait d’être riche en couleurs !

• Tsubasa était quelqu'un de franchement adorable qui éveillait un sentiment protecteur chez CheonSa. Il semblait toujours tellement fragile. Il n'osait jamais dire lorsque quelque chose lui plaisait pas, ou qu'il ressentait quelque chose de spécial. Heureusement, CheonSa avait eut assez de cran pour tenter de le faire réagir et de le pousser à se détendre avec lui. Aussi il pouvait maintenant se venter de bien le connaître. En fait, il arrivait parfaitement à savoir, rien qu'au ton de sa voix, si ca allait bien ou pas. Peut être le fait qu'il s'inquiétait autant pour lui l'avait poussé à développer ce genre de capacité. Il ne savait pas tellement.
  
  Lorsqu'il entendit sa voix dans l'interphone, un large sourire s'accrocha à ses lèvres. Il avait eut peur qu'il trouve une excuse quelconque pour ne pas sortir. Heureusement, son ami était vraiment vraiment courageux. Ce qui le rendait bien heureux.
  
  « J’arrive, attends-moi. »
  
  -Aucun souci !
  
  Lança t'il joyeusement en entendant le petit clic annonça que la communication avait étée coupée. Il décida d'aller attendre son compagnon de jeu bien assis sur le capot de sa voiture bien aimée. Bien que ce n'était pas vraiment une voiture dernier cri, il en était vraiment fier. Il l'avait acheté à la sueur de son front, après plusieurs années de travail acharné. Après avoir acheté ce parfait petit moyen de locomotion, il avait put quitter son boulot ingrat de serveur afin de se concentrer sur sa passion de la danse et du chant. Que demander de plus ?
  Le jeune homme sourit largement en voyant enfin Tsubasa s'extirper de l'immeuble.
  
  -Salut, mon mignon ! Ouais, il aimait bien donner des surnoms idiots aux personnes qu'il aimait.
  
  « Alors, c’était quoi ton... ton idée ? Tu voulais m’emmener quelque part c’est ça ? Allons... Allons-y dans ce cas-là. »
  
  -Attends, tu verras une fois qu'on y sera. Il se pencha vers lui avec un sourire espiègle. C'est une surprise !
  
  Pas tellement une surprise en vérité, vu que de grands panneaux indiquaient le zoo tout le long de la route qu'ils empruntèrent. Oh Cheonsa fredonnait doucement en tenant le volant, juste après avoir gentiment poussé son compagnon dans la voiture. De temps en temps, il jetait des regards de son coté. C'était une vraie folie, il semblait si fragile qu'il n'avait même pas osé ouvrir la fenêtre par peur qu'il s'envole. Lui même n'était pas bien gros, mais il avait toujours eu une constitution qui faisait qu'il avait des formes, il était pas trop mal bâti et mangeait parfois un peu trop, si bien que ses joues ne cessaient de gonfler, telles celles d'un hamster.
  A vrai dire, au fond de lui, il n'avait jamais compris ce qui poussait la maladie de son ami. Si ce n'était que génétique ou si c'était quelque chose qui allait mal dans sa vie, mais il le trouvait vraiment beau comme il était.
  
  Ils tournèrent bientôt dans une grande avenue remplie de mondes, des enfants, des parents. On riait, on criait, on s'amusait. Le jeune homme sourit largement en trouvant l'entrée de l'endroit et les files d'attente.
  
  -Et voilà ! Le Zoo de séoul avec ses lions et ses otaries ! Qu'est ce que t'en dis ? Génial Non ?
  
  Il finit par trouver une place ou se garer. Heureusement tout prêt de l'entrée.
  Il sortit de la voiture en trépignant tellement il était heureux et impatient, puis fit le tour pour entrainer son ami avec lui.
  
  -Je te paye une glace ? A boire ?
  
  Demanda t'il après avoir payé leurs entrées et être passé par le tourniquet. Ah, il était tellement heureux de pouvoir partager ca avec son ami proche. Surement l'un des plus proches d'ailleurs.
  Il passa son bras autour de ses freles épaules et l'observa avec curiosité, attendant son verdict.
  Et aussi pour s'assurer que la foule ne le genait pas trop, voir le faisait se sentir mal.
  
  -Ca va ?