C’est le cas de le dire, Tsubasa Ayame manque de force de caractère. Lui-même se définit comme un être faible et désemparé. Le jeune homme, depuis sa tendre enfance, est en quête de repères qu’il n’a jamais trouvés. C’est un grand timide, avec des dessous peureux, qui vous regarde avec cet air de chien battu qui énerve tant. Ayame est mal dans sa peau, ce qui amène un tas de manières. Il n’aime pas se faire remarquer, et fait donc toujours en sorte de s’asseoir au fond de classe par exemple, de passer au milieu d’un groupe... Ayame se fait marcher sur les pieds. Il est incapable de se défendre, il cherche ses mots et ne les trouve que des heures après, quand il patauge dans l’eau, qu’il est détendu. Il n’ose pas s’ouvrir, dévoiler sa personnalité aux autres. C’est là, le problème, les autres. Ayame est convaincu de ne pas être à leur hauteur, résultat, il fait tout inconsciemment, pour se rabaisser. Il ne veut pas déranger, il a l’air éberlué lorsqu’on lui parle... Ce n’est pas un asocial, mais plutôt un jeune homme qui, dans sa mauvaise perception de lui-même, ne parvient pas à faire un pas vers les autres. Il n’est pas solitaire, mais complexé. Ayame doit grandir, il doit oser. Ce n’est pas chose simple, mais malgré tout, il peut y arriver. Il faut de l’envie, de la volonté... Et il faut se forcer.
Mais Ayame n’est pas accablé de défauts. Il tient de sa mère une belle qualité : la générosité. Il sait donner, beaucoup, et n’attend jamais rien en retour. Il part du principe que le fait de donner n’est pas échanger. Il se débrouille bien pour dénicher des bonnes affaires ou des petits cadeaux sympas ; de plus sa mère lui apprend à cuisiner depuis de nombreuses années. Il a du bagage culinaire ! Sinon, c’est un jeune homme très soigneux, de son corps et de ses vêtements. Il passe du temps à faire les boutiques pour trouver l’idéal, et passe plus de trois quart d’heure le matin à se préparer. Son corps d’androgyne lui joue parfois des tours ; on l’appelle régulièrement mademoiselle, et une vendeuse a déjà essayé de lui faire mettre une robe ! Ayame ne leur en tient pas rigueur. Il est conscient de sa féminité, et plus jeune il se demandait s’il n’était pas hermaphrodite ou quelque chose comme ça.

Ayame a deux passions, autre que les vêtements. La danse... Et les chats. Ayame adore les chats, rien que chez lui il en a cinq, deux à tout le monde, trois à lui, qui passent leur temps dans sa chambre. Sinon, le jeune homme pratique la danse depuis de nombreuses années, l’âge de huit ans. Il a fait un peu de tout, du classique au jazz en passant par la salsa. Aujourd’hui, il peut danser librement dans le club de danse du lycée Jiyuu, et cela lui convient bien. Même s’il n’y pratiquement que des filles (il se fond dans le tas). Malheureusement, Ayame, depuis trois ans, combat un grave problème. Il est boulimique. Mal dans sa peau, et suite à une déception amoureuse, il a commencé à se nourrir plus que de raison, jusqu’à faire huit à neuf repas par jour, avant de tout vomir presque chaque fois. Cette maladie le poursuit et il ne parvient pas à s’en défaire. Il est maintenant très maigre, et sa santé fragile. Comment lui redonner cette joie de vivre ?

La vie de Tsubasa Ayame a commencé un matin de treize décembre. Ses parents travaillent dans un restaurant dans le centre de Tôkyô, l’un comme co-directeur et l’autre comme cuisinière en chef. Ils sont très pris, mais cela ne les empêche pas de voir leur fils le plus souvent possible. De plus Ayame a une soeur cadette, âgée de quatre ans. Elle est très mignonne et adore venir dans la chambre de son frère, pour la plupart des temps poursuivre ses chats. La période précédant la naissance de sa petite soeur a été faite de hauts et de bas. Ayame a été timide dès son plus jeune âge. Il restait caché sous les jupons de sa mère, qui avait droit au numéro des larmes à chaque fois qu’elle le laissait avec une nounou ou à la crèche. Il avait un petit peu peur des autres, mais il pouvait rester avec eux. Par contre, lorsqu’ils jouaient à un jeu, il était toujours désigné pour faire le méchant, le loup, ou la victime. Trop heureux d’être inclus dans un groupe, le petit garçon ne refusait jamais. Au fil du temps cependant, les choses ne se sont pas améliorées, Ayame a pris conscience qu’il était toujours la cinquième roue de la charrette. Toujours derrière, à courir dans l’espoir rattraper les autres, déjà dans la lumière. Ayame a cette impression d’être dans l’ombre, une ombre qui le colle de trop près et qui refuse de le lâcher.
Jusqu’à l’âge de huit ans, Ayame n’a dévoilé qu’une personnalité trop introvertie pour être connue, un certain talent pour se cacher sous les meubles et avaler des quantités impressionnantes de nourriture en cinq minutes. Sa mère, très attachée à lui et triste de le voir renfermé, a décidé de prendre les choses en main. Elle lui a demandé un soir de venir l’aider à préparer le dîner, et à partir de cet instant, elle lui a enseigné de nombreuses recettes, de manières culinaires. Parallèlement, elle voulait à tout prix qu’Ayame se bouge, fasse du sport. Baseball, football, quelque chose qui remue. Le garçon - un peu à côté de la plaque mais quand même dans la cadence - a choisi la danse. Si sa mère a été surprise elle n’en était pas moins ravie que son fils sorte enfin de son trou. Il s’est vite passionné par cette discipline, et a voulu tenter divers types de danse. Mais il reste largement plus doué pour la danse contemporaine, il préfère imaginer des chorégraphies seul, plutôt d’en copier d’autres. Mais il était agréable d’avoir un professeur pour vous montrer vos défauts, vous aider à améliorer vos mouvements, et surtout vous aider à travailler votre souplesse. Le grand écart ne s’obtient pas tout seul, c’est le moins qu’on puisse dire...

Ces années furent plus agréables que les autres, mais aussi le prélude d’une période noire, dans laquelle Ayame, actuellement, a toujours du mal à sortir. Il a eu des difficultés au collège. Elles n’étaient pas scolaires - en élève modèle et soigné, désireux d’apprendre, il avait d’excellentes notes - mais d’ordre amical. Ayame n’a jamais autant peiné à trouver des amis, des connaissances qui lui parlaient ça et là. Mais jamais une ou une véritable ami(e), qui qu’il saurait écouter et réciproquement, une vraie amitié comme dans les livres. À croire qu’il jouait de malchance, mais ce fut un déclic terrible pour lui. Il sombra dans la dépression, qui amena des crises de boulimie violentes qu’il réussissait à cacher à ses parents. Cette boulimie fut découverte après qu’Ayame, amoureux pour la première fois de sa vie, fut rejeté sans concession. Convaincu de n’être qu’un raté, il enchaîna les crises, qu’il déclenchait lui-même, et finit aux urgences de l’hôpital avec un poids inférieur à trente cinq kilos. Il resta quatre mois à l’hôpital, le temps de reprendre du poids, de soigner sa dépression, et de rééduquer sa façon de manger. Ce fut un choc terrible pour ses parents, sachant qu’entre temps sa mère avait accouché de sa soeur cadette. Ayame exprimait à peine le désir de s’en sortir.
Ses parents le changèrent de collège, et il termina les deux dernières années. Pourtant, ses crises de boulimie, quoique plus espacées, étaient toujours présentes. Tant qu’il conservait un poids supérieur à quarante kilos, le jeune homme pouvait rester chez lui, aller au lycée. S’il descendait en-dessous, c’était les urgences directement, avec ou sans son accord. Ayame sait pertinemment qu’il joue avec le feu, mais il ne peut pas s’empêcher de manger et vomir. C’est plus fort que lui.

Ayame a été admis au lycée Jiyuu sans difficulté particulière. Mais le proviseur, ses professeurs et presque tout le personnel est au courant de sa maladie. Ayame craint que cette information circule dans le lycée, mais normalement personne ne sait. On pense juste que c’est un maigrichon efféminé (c’est toujours mieux que boulimique avec maigreur morbide...). Pour sa deuxième année au lycée, Ayame conserve son habitude des bonnes notes, mais aussi toutes ses autres mauvaises habitudes, comme celle de se tenir à l’écart malgré son envie d’avoir des amis. Cette histoire de coaching le dépassait un peu, jusqu’à ce qu’il soit lui-même concerné. Ses professeurs ont émit le souhait de le voir coacher, parce qu’il était temps qu’il s’ouvre un peu. Ayame - fidèle à lui-même et bien que peu enthousiasmé - a accepté. Mais il fallait choisir un coach... Soucieux, Ayame a pris le premier sur la liste, Anzai Ken. Il craint que ce Ken, un des garçons les plus populaires de l'école, ne soit pas ravi de le coacher. Ouille ! Qui vivra verra.