« Le talent provient de l'originalité, qui est une manière spéciale de penser, de voir, de comprendre et de juger. » Guy de Maupassant ne se doutait pas à quel point un jour ces mots toucheraient une jeune femme. Quand Ohno Maria s’est plongée dans Pierre et Jean, elle a tellement relu cette seule phrase qu’elle la connaît à présent par cœur. Avouons-le, cette simple citation résume toute la complexité du personnage. Contrairement à ce que son apparence physique laisserait à penser, Maria n’est pas la fille surexcitée et à côté de ses pompes. Quand on la voit de loin, on se dit qu’elle pourrait parfaitement être mannequin. Elle est grande, atteint presque le mètre soixante-dix grâce aux origines américaines que sa mère lui a apportées, et très fine. Son visage fin et ciselé est pourvu d’un petit nez en trompette, de lèvres pulpeuses et d’yeux noisette très clairs. Elle aime faire des grimaces et sourire. Ainsi, vous imaginez une jeune femme fofolle mais c’est loin de ce qu’elle est en réalité. Bien sûr, elle aime sourire, elle est optimiste et heureuse dans sa vie. Elle aime vivre. Mais elle préfère se montrer calme. Parfois, elle l’est tellement que si elle est assise dans le coin d’une pièce, elle peut passer totalement inaperçu. Ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire finalement, car elle aime observer les gens. Etant quelqu’un de très imaginatif qui vit à la fois de son métier et de sa passion pour l’écriture, elle se nourrit de toutes ces petites choses qui font que quelqu’un est humain. Souvent, on la prend à sourire toute seule, c’est parce qu’elle imagine pleins de choses.
Cependant, quand on a le malheur de lui demander pourquoi elle rit et qu’elle se retrouve au centre de l’attention, elle vire au rouge et doit se forcer à ne pas bégayer pour répondre correctement. Pour cela, elle n’ose pas exprimer directement sa pensée. Elle aura beau penser que vous l’ennuyez au plus haut point, elle ne vous le dira jamais. Son sourire est une arme de destruction massive. Quand elle vous sourit, impossible de savoir à quoi elle pense. On lui a souvent répété que les petites pommettes qui se forment au creux de ses joues quand elle sourit sont tout simplement irrésistibles. Il est vrai qu’avec son sourire, on lui offrirait le bon dieu sans confession. Ce n’est pas ce qu’elle veut, cela dit. Tout ce qu’elle désire, c’est qu’on la laisse se consacrer à ses passions : l’écriture, les jeux-vidéo et la mode. Si on ne la sort pas, cette jeune femme est très capable de passer sa journée devant son ordinateur. Une vraie geek. Néanmoins, ne vous méprenez pas, en présence de ses vrais amis, de ceux qu’elle aime, elle est complètement extériorisée.

Quand Maria est née, elle ne semblait pas promise à un avenir tel qu’elle l’a connu. Le 1er juin 1987, une petite fille comme les autres est venue au monde dans la petite ville de Kofu, dans la préfecture de Yamanashi. Malheureusement, dès la naissance, elle présenta des signes de légers troubles respiratoires, tels qu’une respiration caverneuse et des instants d’apnée, pendant lesquelles elle cessait tout bonnement de respirer, durant son sommeil, très dangereux pour un nourrisson. Possiblement mortel. Par chance, ça n’a pas été le cas pour Maria sinon, elle ne serait déjà plus là. Tout ce qu’elle a gardé de ses troubles sont une très faible endurance et des phases d’apnée très courtes qui ne sont plus du tout dangereuses pour elle. Malgré tout, ses parents ont été comme qui dirait traumatisés par ces petits incidents et ont eu tendance à dès lors surprotéger leur fille unique. Son père était vétérinaire – un américain étant venu étudier et vivre au Japon - et, la famille possédant une grande maison moderne de trois étages en bordure de Kofu, avait la possibilité d’exercer son métier chez lui. Quant à sa mère, elle était sage-femme libérale ce qui demandait une grande disponibilité mais généralement, elle ne s’absentait jamais plus de quelques heures. Maria est donc née dans l’amour et entourée d’animaux. A l’école, elle était la meilleure dans tout ce qui concernait les langues et la création. Elle rêvait cependant d’être vétérinaire comme son père, vouant elle-même une grande passion pour les chevaux.

Elle a commencé à monter à cheval à… Non. Disons plutôt qu’elle est presque née sur un cheval. La famille en possédait déjà un avant sa naissance. Un Akhal-Teke doré, assez vieux, qui passait toute la journée dans l’enclos et sortait très rarement. Il a recommencé l’exercice quand Maria a manifesté le désir de monter dessus. Bientôt, cette passion a pris une place prépondérante dans sa vie. Que faisait-elle quand elle rentrait de l’école et qu’elle avait trois tonnes de devoirs pour le lendemain ? Elle jetait son cartable dans l’entrée et courait rejoindre son cheval qui, du haut de son mètre soixante-dix au garrot, l’attendait en piaffant devant la porte du paddock. Quand on la voyait sur ce géant, les gens prenaient peur. Il est vrai qu’à l’époque, elle était toute petite car cela se passe bien avant qu’elle n’ait ne serait-ce que douze ans. Mais ce cheval était un monstre d’amour, complètement incapable de faire du mal à cette gamine. Cependant, à presque vingt-cinq ans, pas facile d’être à la hauteur des concours auquel sa petite maîtresse le faisait participer. Elle avait pour son âge, un niveau incroyable. Pour autant, cela n’avait aucune influence sur ses études et s’il y en avait une, elle était bonne car la jeune fille a sauté deux classes au collège. C’est justement l’année de ses quinze ans qu’elle a définitivement abandonné son rêve de vétérinaire équin. A presque trente ans, durant un concours, son pauvre cheval n’a pas réussi à franchir un oxer qu’il aimait d’ordinaire tant sauter et a fait une mauvaise chute. Si la cavalière a volé en avant, se faisant quelques égratignures mais rien de grave, son cheval, lui, n’arrivait plus à se relever. Il a dû être immédiatement piqué, devant la jeune femme qui, retenue par son père, n’a jamais hurlé aussi fort de sa vie.

Deux années durant, elle a cessé de monter à cheval. Elle gardait – et garde encore – constamment sur elle une photo de son cheval avec son nom écrit dessus en lettres dorées : Memories. Pendant ces deux années d’inactivité, elle s’est forcée à se trouver d’autres occupations. C’est en tombant par hasard sur un défilé de la Tokyo Girls Collection qu’elle s’est trouvée émerveillée par tous ces vêtements. C’était pour cette gamine, un autre monde, un monde de strass et de paillettes. Elle s’est d’abord mise à dessiner des vêtements quand elle s’ennuyait. Comme un passe-temps. Quand sa tante styliste lui a affirmé qu’elle devrait s’essayer à la couture pour réaliser une de ses créations, c’est ce qu’elle a fait. Mais non, cela ne lui plut pas. Elle préférait nettement dessiner, voir et porter des vêtements que les créer elle-même. N’ayant pas les moyens d’acheter les vêtements qu’elle désirait, elle se contentait de les regarder. Finalement, cela revenait au même car de si beaux vêtements, même si on les achète, il faut être digne de les porter et ça n’est pas donné à tout le monde. Son meilleur ami et ami d’enfance lui enseigna également l’art secret des jeux-vidéo et, pardonnez l’expression, Maria se prit rapidement au jeu. Puis l’élève dépassa le maître, comme on dit.

Vint ensuite le moment de choisir quelles genre d’études on veut suivre pour décider d’une université. Pour Maria qui avait finalement suivi des études de lettres, le choix fut simple. C’était une carrière dans la traduction littéraire qu’elle envisageait. Bien qu’on la mit en garde contre les faibles débouchés et promesses d’embauche de telles études, cela ne découragea pas la belle qui redoubla d’efforts pour intégrer la meilleure université possible, la Tokyo Daigaku, plus communément appelée Todaï. Elle était la plus jeune élève de sa promotion, entrant à Todaï à tout juste dix-sept ans. Cependant quelque chose d’inexorable la rappelait aux chevaux. Surtout quand ses parents lui ont donné rendez-vous devant le seul centre équestre situé en plein cœur de la capitale avec un jeune cheval d’à peine deux ans en cadeau. Maria s’est alors relancée à corps perdu dans l’équitation. La seule chose qu’elle refuse encore de faire, c’est sauter. Au fil des années, elle a développé une sorte de phobie du saut d’obstacles. Quand elle veut faire sauter son cheval, elle le fait en liberté, le guidant simplement au stick. Entre ses études et son cheval, on pourrait croire qu’elle n’avait plus le temps pour ses autres passions, mais si ! Elle s’en est même trouvé une nouvelle : le chant, mais est bien trop timide pour monter sur scène. Elle a pris l’habitude d’écrire des chansons et de les chanter mais personne ne l’a jamais entendue car elle garde tout pour elle, non par égoïsme mais là encore par timidité.

Après quatre années d’études intensives, elle a décroché un diplôme avec la meilleure mention et n’a pas tardée à être embauchée par une maison d’édition qui avait été conquise par sa capacité à parler le japonais, l’anglais, le français et l’espagnol sur le bout des doigts. Sans parler du patron qui a été conquis par tout autre chose en recevant la belle pour un entretien d’embauche. Réussi haut-la-main évidemment. Elle exerce à présent principalement chez elle, supportant mal les avances de son patron, et partage son temps-libre entre toutes ses passions, faisant passer en premier son cheval qu’elle considère comme l’homme de sa vie. En parlant d’homme, un amoureux ? En a-t-elle eu ? Jamais. Maria a toujours été la bonne copine, mais jamais la petite copine. Aucun homme ne l’a vraiment considérée à ce jour et aucun homme ne l’a touchée non plus. De toute façon, elle a pour principe d’éviter toute relation, ou contact physique avec un homme en qui elle n’a pas confiance ou sur qui elle a craqué. Encore moins si ledit contact se fait un peu trop insistant, n’est-ce pas patron. Une jolie femme comme elle, encore pure, est-ce possible ? Oui, la preuve en chair et en os.